Une bouffée d’oxygène intellectuelle et humaine

C’est une rentrée en douceur et sous le signe des valeurs que nous a proposé cette année le CECA, organisateur de la 16e édition de l’Université Hommes Entreprises dont l’APACOM était partenaire. Dans le cadre champêtre chic du Château Smith Haut Laffite, en pleine préparation des vendanges, intellectuels, journalistes, entrepreneurs, explorateurs et économistes se sont donné rendez-vous pour réfléchir sur la transmission des valeurs entre générations.

La génération Y a ainsi été au centre de toutes les attentions et une enquête menée auprès des étudiants de trois grandes écoles, a démontré clairement une continuité au niveau des valeurs morales telles que le respect d’autrui et la bienveillance.
La différence se situe plus au niveau des valeurs spirituelles et surtout dans le principe de réalité car beaucoup d’étudiants anticipent déjà le fait qu’ils ne pourront pas forcément travailler dans une entreprise porteuse des mêmes valeurs que les leurs.

Des héritiers sans héritage
L’objet même de l’Université Hommes Entreprises qui est précisément de remettre l’homme au cœur du processus économique était donc d’autant plus pertinent. Patrick Lemattre (Sociologue et professeur à HEC) a d’ailleurs apporté un éclairage intéressant sur cette génération Y dont on dit qu’elle est composée « d’héritiers sans héritage » et qui nécessitera un management plus « tribal » en mettant en avant des valeurs communautaires et en favorisant la co-création.

Les valeurs de business schools
Florence Noiville (journaliste au « Monde »), auteur du livre « J’ai fait HEC et je m’en excuse » s’étonne de son côté de la schizophrénie qu’elle a décelé au sein des membres de sa promotion qui, pour certains, sont très bien intégré dans le tissu économique, tout en ayant un regard presque désabusé sur le monde de l’entreprise. Elle s’étonne d’ailleurs que les grandes écoles françaises n’aient pas remis en question certains modèles enseignés à l’instar d’Harvard qui a supprimé de nombreuses études de cas de ses programmes.

Et les séniors dans tout ça ?
Michel Authier (Mathématicien, philosophe, sociologue) apporte un autre éclairage sur la cohabitation des différentes générations au sein des entreprises et notamment sur la place des seniors au sein de celles-ci. Pour lui, l’application d’un vocabulaire agraire est à l’ordre du jour et l’essentiel  est de « cultiver » le tissu humain  à travers des connaissances en mettant au second plan l’organisation. Pour lui, l’accélération des techniques imposant aux entreprises un rythme de plus en plus chaotique, peut être contrecarré par la somme des régularités des salariés de différents âges, coopérant au sein d’une entreprise. Pour cela les salariés plus âgés doivent aussi mettre l’ambition au second plan et d’accepter  de collaborer avec les plus jeunes en faisant preuve de plus d’humilité.

Le manager chef d’orchestre
Zahia Ziaouani (Chef d’orchestre) a d’ailleurs par la suite prodigué une véritable leçon de management aux chefs d’entreprises et cadres présents. Cette jeune femme, issue de l’immigration et d’un milieu très modeste, a su s’imposer dans un univers très masculin, gérant parfois jusqu’à 300 musiciens. Elle dirige par ailleurs l’école de musique de Stains, un modèle démontrant la possibilité de transformer nos banlieues grâce à la connaissance et à la culture.

Quelles valeurs à transmettre à nos ados ?
Stéphane Lévin (Explorateur)a ensuite fait baisser la température de la salle caniculaire en parlant de son expédition de 121 jours en solitaire dans la nuit polaire. Entre préparation, travail d’équipe et dépassement de soi il ne cesse de transmettre ces valeurs à des jeunes collégiens dans le cadre de l’opération « Voyageurs des Sciences ». Ces derniers en sortent d’ailleurs pour la plupart transformés.

Une initiative qui n’est pas sans déplaire à Xavier Pommeraud (Médecin psychiatre et Directeur du Centre Abadie) qui prône justement la nécessite de faire vivre à nos adolescents des expériences métaphoriques qui leur permettent de se responsabiliser et se sentir vivre. Surprotégés par leur parents, cible principale de la société de consommation et suréquipés de « prothèses de communication » (portable, ordinateur, jeux vidéo etc.) ils se réfugient trop souvent dans des expériences extrêmes comme dans la drogue et depuis quelques années dans l’alcool. Le rôle du parent étant de « lâcher » l’adolescent sans pour autant le « laisser ».

Economie vs politique
Emmanuel Toniutti (Docteur en Théologie et Philosophie, professeur à HEC et chef d’entreprise) souligne que les excès du libéralisme viennent notamment du fait que l’on a mal interprété Adam Smith, en omettant que le marché s’autorégule à partir du moment où les dirigeants sont « vertueux ». Aujourd’hui, les entreprises doivent retrouver un équilibre entre intérêt individuel et intérêt collectif et trouver de vraies valeurs dans leur ADN. Les dirigeants doivent aussi faire un travail sur eux-mêmes car trop souvent ces derniers projettent des problèmes personnels sur l’entreprise. Ainsi c’est l’ambition démesurée de Marcel Ospel d’ UBS qui a mis en péril cette banque très ancienne. Il est allé à l’encontre des trois valeurs fondamentales de l’institution qui affiche trois clés sur son logo symbolisant « confiance, sécurité, prudence ». Il doit y avoir une adéquation entre les valeurs affichées et la politique de l’entreprise à tous les niveaux.

Luc Ferry (philosophe, ancien ministre) a enfin clôturé l’Université avec une intervention particulièrement brillante expliquant que nous nous situons à un tournant historique  marque par trois changements majeurs : la déconstruction des valeurs traditionnelles, l’émergence de la mondialisation et la sacralisation de l’humain. L’industrialisation et le progrès technique ont émancipé d’une certaine manière l’individu de la société traditionnelle, mais désormais le progrès technique incessant oblige les sociétés d’avancer selon une logique automatique et aveugle empreinte d’hyperconsommation. A cela s’ajoute la vitesse de libération de l’économie par rapport à la politique. Les différents éléments qui permettent d’espérer de sortir de cette spirale sont le retour de valeurs davantage spirituelles, le renforcement d’entités politiques supranationales telles que l’Europe ou le G20 et enfin la propension actuelle à penser davantage aux générations futures.

VERBATIM

–          « Une bouffée d’oxygène et une grande ouverture à titre professionnel et personnel. »

–          « Thème, intervenants, projet fondateur de l’Université qui fait de ce moment un temps de partage, d’écoute et de pause « en profondeur » car centré sur l’essentiel. »

–          « Un moment privilégié pour se remettre en question avant la reprise des affaires »

–      « Moment de ressourcement personnel et professionnel. »

–         » Heureuse combinaison de la formule, du thème, des invités, de l’époque, du lieu. »

Béatrice Vendeaud

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